He, l’objet, je t’ai détruit, tu as survécu, je t’aime

Peut-être vais-je commencer en reprenant une définition que donne Winnicott de la créativité : « La créativité est la capacité de conserver tout au long de la vie quelque chose qui est propre à l’expérience du bébé, la capacité de créer le monde »

Et cette capacité trouve son origine dans les temps très précoces de la relation mère-bébé.

Cette capacité, de même que la capacité d’aimer (Winnicott associe les deux), mais aimer n’est-ce pas « créé-trouvé » l’autre, 

dépendent de la manière dont aura pu jouer ce qu’il appelle l’agressivité, mot qui est mal compris la plupart du temps dans notre terreau culturel à nous, Français.

« Une certaine confusion peut naitre de l’emploi du terme agressivité », écrit-il dans « L’agressivité et ses rapports avec le développement affectif ».

A l’heure actuelle je relierais cette notion à celle de motricité.

C’était en 1955.

En 1968, dans « Objets de l’usage d’un objet » il parle plutôt de « l’activité » qui caractérise la vitalité du bébé, il emploie aussi le terme de spontanéité.

«  Une certaine confusion peut naitre de l’emploi du terme agressivité alors que nous voulons dire spontanéité. »

N’oublions pas que le mot « agressivité » vient du latin agredior, « marcher vers », « avancer ». 

Winnicott emploie le terme « impulse » pour parler de ce mouvement, cette motricité instinctuelle qui va à la rencontre du monde.

Dans mon premier livre, j’avais proposé de traduire cet « impulse », ce mouvement vers par « atteinte modifiante », car ce mouvement vers, cette atteinte, au sens de atteindre quelque chose, modifie le bébé de même qu’il modifie le monde.

C’est par cette activité motrice musculaire que l’enfant va expérimenter le monde extérieur et son corps propre. 

Ce corps qui a à ce moment-là est son seul langage et son seul lieu d’échange.

Selon les moments de son œuvre, Winnicott dira :

Agressivité instinctive – avidité théorique – amour – appétit primaire

Mouth love – Amour oral. 

Pulsion combinée amour – Haine.

Il n’y a à ce moment-là aucune agressivité intentionnelle dans le mouvement de l’infans.

La tonalité d’agressivité ne pourra venir que de l’interprétation de la mère au geste de son nourrisson et c’est cette interprétation qui l’inscrira comme telle dans la psyché de l’enfant.

Pour l’infans, cette motricité ne se distingue pas du mouvement libidinal, car il ne peut pas différencier : 

– La montée de la jubilation  tension vers satisfaction

– Les moments où l’excitation s’emballe et le submerge d’une façon qu’il peut sentir comme annihilante. Échec du pare excitation  temps précoce. Mère comme pare excitation.

– Les moments aussi où il fera mal à la personne secourante (Humain d’à côté).

Nous pourrions parler de la « vivance » de l’enfant, aliveness.

Freud déjà dira que c’est une pulsion d’agression qui va se mettre au service de la vie, comme un composante agressive de la libido, héritage de l’instinct animal.

C’est du traitement par l’environnement que dépendra l’avenir de cette motion. Car, à ce mouvement vers, à cette atteinte modifiante, c’est l’autre qui va répondre en donnant du sens, l’autre qui va réagir sur un mode projectif et à partir de ses propres fantasmes.

Si la mère, identifiée aux besoins de son nouveau-né, se laisse utiliser de façon vivante, 

si elle est capable d’offrir à son enfant une satisfaction pulsionnelle instinctuelle, avec la violence qui parfois l’accompagne, si elle ne se sent pas attaquée – en d’autres termes, si, durant tout le temps que dure l’expérience, elle maintient son holding psychique, alors elle permet à l’enfant de vivre l’expérience sans en sortir anéanti. 

Car, à la minute où l’appétit est satisfait, le désir disparaît, et l’enfant a perdu quelque chose qui le constituait. Il se retrouve seul et perdu dans un monde sans saveur.

Winnicott écrit : « Dans l’état le plus primitif, qui peut être maintenu dans la maladie, et vers lequel il peut y avoir des régressions, l’objet se comporte selon des lois magiques, c’est-à-dire qu’il existe quand il est désiré, il approche quand il est approché, il blesse quand il est blessé. Enfin il disparaît quand il n’est pas désiré.

« Ce dernier aspect est le plus terrifiant et c’est la seule annihilation réelle ; ne pas désirer, à la suite de la satisfaction, c’est annihiler l’objet. C’est une des raisons pour lesquelles les petits enfants ne sont pas toujours heureux et contents après un repas qui les a satisfaits. » 

L’appétit reviendra, bien évidemment, mais l’infans ne le sait pas encore. Il faudra l’infini répétition du même pour qu’il intériorise cette donnée.

En attendant, c’est la permanence de l’environnement qui assure le maintien d’un contenant global qui permet à l’enfant de connaître une expérience de rassemblement autour de son vécu sensoriel. 

Il a perdu la mère du désir, mais l’environnement familier se maintient : odeur et contact du sein, confort et portage, « bruitage de la mère », accroche des regards. 

Le traumatisme de l’exigence instinctuelle suivi du traumatisme de la satisfaction ont provoqué un trou dans la continuité d’existence. 

Les soins appropriés d’un environnement adéquat ont permis une « restauration », au sens de Winnicott. 

Après un bref vacillement, l’objet est toujours là, vivant, c’est-à-dire le même, détruit pendant un très court laps de temps, mais vivant à nouveau.

En revanche, si, du fait de son histoire, du fait de sa fragilité, du fait des circonstances, la mère vit le mouvement de son nourrisson vers le monde, vers la vie, d’une façon négative, si elle se sent mise en danger, attaquée, elle sera différente dans le holding de son bébé durant cette expérience, même si c’est de façon subtile et ténue.

Devant le traumatisme du à la satisfaction de son besoin, c’est-à-dire devant la perte du désir, l’enfant reste sans recours. « C’est ainsi, écrit Winnicott, qu’une mère peut très bien satisfaire les besoins du ça et violer la fonction du moi du nourrisson » (Ego intregration in child development). L’objet, pour lui, aura bel et bien disparu (pour un temps court, mais il ne le sait pas encore). Il pensera donc l’avoir détruit. 

C’est cela, la « destruction de l’objet ». Il n’est plus là comme objet désiré, donc il n’est plus là du tout. A la place de la mère d’amour, il y a du vide. « Il y a un trou là où il y avait un corps complet plein de richesse », « une source d’enthousiasme à l’égard de la vie a brusquement disparu et l’enfant ne sait pas qu’elle reviendra ». L’enfant lui-même est transformé. Il était envahi d’une sensation certes désagréable, mais qui était à lui, qui faisait partie de son vécu corporel, qui était lui. 

A partir de la satisfaction, cette sensation va également disparaître.

Ainsi l’enfant, en même temps qu’il ressent le soulagement-plaisir de la fin de son excitation pulsionnelle, se trouve dépossédé d’une sensation qui lui appartenait. Il est différent ; la mère, aussi, est différente. Pendant un court moment, il ne s’y retrouve pas 

(car il ne peut encore lier ensemble la mère des phases excitées et la mère des phases calmes). 

Il a détruit, pense-t-il, ce qui lui est indispensable 

et qui fait partie de lui, car, ne l’oublions pas, à cette période il est confondu avec son environnement, un environnement qui va de soi. Du coup, au lieu que cette spontanéité motrice – l’atteinte modifiante – puisse être considérée comme un accomplissement, comme un mouvement vers l’autre, elle s’en trouve inhibée, car trop dangereuse, entrainant une limitation de ce que Winnicott nomme la créativité.

– Si l’objet est détruit (réagit), impossibilité d’expérimenter que l’amour et la haine puissent être sur le même objet (mère-objet – mère-environnement)

– Ou encore, puisque non-différenciation moi – non-moi, état de chaos et de désorganisation.

Le moi encore immature de l’enfant va se trouver attaqué et débordé dans ses capacités d’organisation et de défense. Le sujet est obligé de dissocier.

Ce que la psyché infantile ne peut intégrer doit être traité par l’environnement.

– Soit, donc, par une protection active et apaisante qui permet de réguler l’intensité des afflux pulsionnels dans des frayages qui soient supportables.

– Soit, après coup, si l’expérience de débordement a eut lieu.

Cf. enfant dans les bras de la mère pour se rassembler.

Toute faillite de cette fonction de l’environnement va confronter l’enfant à une menace de mort par la pulsion, c’est-à-dire, menace d’agonie primitive.

La pulsion de vie peut être terriblement ravageante et la psyché va mobiliser toutes ces ressources afin de juguler la menace effractive et d’en limiter l’effet.

Il nous faut donc penser les choses différemment et c’est une grande révolution.

« La théorie orthodoxe suppose que l’agressivité est réactionnelle à la rencontre avec le principe de réalité alors qu’en fait c’est l’atteinte modifiante (impulse) qui crée la qualité de l’extériorité.

Il n’y a pas de colère dans la destruction de l’objet à laquelle je fais référence, quoiqu’on puisse éprouver de la joie à la survie de l’objet ».

(L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications, Jeu et Réalité).

Winnicott, en effet, établit une distinction entre « destructivité positive » et « destructivité pathologique ».

La destructivité positive est le processus que nous avons décrit en premier lieu, c’est-à-dire celui qui effectue la destruction de l’objet suivie de sa survie. Cette succession pose  l’objet comme réel, hors de la sphère d’omnipotence du nourrisson. C’est un processus essentiel. Réel, comme il le précise, signifie « faisant partie de la sphère de la réalité partagée », et non pas simplement « faisceau de projections ». L’objet est découvert comme ce qui résiste à l’hypothétique destructivité. Il perd son statut d’objet subjectif. 

Il devient extérieur. Rappelons bien que cet objet c’est un autre, un autre sujet. Et il est nécessaire que cet autre accuse réception sinon ce serait une annihilation du vécu subjectif du bébé.

Cette expérience de la destructivité suivie de la survie de l’objet marque l’accès du sujet à une vie réelle, en contact direct avec des objets réels qui peuvent être aimés dans la mesure où ils peuvent être détruits dans le fantasme et survivre dans le réel. Ainsi le bébé peut commencer à établir une différence entre l’objet du fantasme, celui qu’il a l’illusion de détruire, et l’objet externe, c’est-à-dire l’autre sujet. Cette expérience permet au jeune sujet humain en devenir de poser l’objet hors de soi. 

Ainsi l’infans peut créer un monde qui,  en fait, était déjà là en attente d’être investi. C’est le paradoxe de Winnicott : parce qu’il survit, l’objet devient réel ; mais c’est aussi parce qu’il est réel qu’il survit.

A partir de là, l’objet peut être utilisé, c’est-à-dire qu’à cause de sa capacité de survivance il va être trouvé et possiblement utilisé. Winnicott précise qu’il n’emploie pas le mot de « destruction » – terme dont il n’est pas lui-même satisfait (« peut-être le mot exact n’a pas été trouvé », dit-il à la fin de sa vie (Objet de l’usage d’un objet. La crainte de l’effondrement)) – que pour marquer que celle-ci ne devient effective qu’en cas d’échec de l’objet à survivre. 

Ce n’est jamais l’atteinte modifiante qui est cause de la destruction, mais l’objet lui-même dans son incapacité à survivre. Cette avancée, surement la plus essentielle de sa pensée, a été souvent peu comprise. L’utilisation de termes courants, comme agressivité, destruction ou survie, et le sens particulier qu’il leur donne ont conduit, encore une fois, à une mécompréhension (misunderstanding).

La survie de l’objet signifie que, du point de vue de l’enfant, l’objet demeure le même, qu’il peut s’y référer et l’utiliser. 

« La destruction d’un objet qui survit, qui n’a pas réagi ni disparu, conduit à son usage ». (Objet de l’usage d’un objet, La crainte de l’effondrement)

Et, ajoute-t-il, à partir de là,  il peut commencer à être aimé. Ainsi, pour atteindre la capacité d’aimer et supporter d’être aimé, il faut avoir expérimenté le maximum de destructivité suivi de la survie de l’objet. 

Rappelons que Winnicott refuse le terme d’objet primaire, auquel il substitue la mise en place d’un environnement adapté qui permet au jeune sujet naissant de croître au plus près de ses potentialités.

« Le sujet dit à l’objet : « Je t’ai détruit », et l’objet est là, qui reçoit cette communication. A partir de là, le sujet dit : « Hé ! l’objet, je t’ai détruit. » « Je t’aime. » « Tu comptes pour moi parce que tu survis à ma destruction de toi » « Puisque je t’aime, je te détruis tout le temps dans mon fantasme (inconscient). » Ici s’inaugure le fantasme chez l’individu. Le sujet peut maintenant utiliser l’objet qui a survécu. Il importe de noter que n’intervient pas seulement le fait que le sujet détruit l’objet parce que l’objet est situé en dehors de l’aire de son contrôle omnipotent. Il faut aussi exprimer la même chose dans le sens inverse en disant que c’est la destruction de l’objet qui place celui-ci en dehors de l’aire du contrôle omnipotent du sujet. De ces diverses manières, l’objet développe sa propre autonomie et sa vie, et (s’il survit) apporte sa contribution au sujet selon ses propriétés propres. »

(L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications, Jeu et Réalité).

L’usage de l’objet est sans aucun doute, une des avancées les plus essentielle de Winnicott, car il va l’étendre à l’usage qu’un patient peut faire de l’analyste.

« A ce stade du développement, le sujet crée l’objet au sens où il trouve l’extériorité elle-même. Il faut ajouter que cette expérience dépend de la capacité qu’a l’objet de survivre (dans ce contexte, « survivre » signifie, et c’est important, ne pas appliquer de représailles). Si c’est au cours de l’analyse que ces questions surgissent, alors l’analyste, la technique analytique, et le cadre analytique interviennent tous en tant qu’ils survivent, ou ne survivent pas, aux attaques destructrices (qui peuvent être aussi la séduction) du patient. Cette activité destructrice correspond à la tentative que fait le patient pour placer l’analyste hors du contrôle omnipotent, c’est-à-dire dehors, dans le monde. S’il ne fait pas l’expérience de la destructivité maximale (objet non protégé), le sujet ne place jamais l’analyste au dehors, c’est pourquoi il ne pourra rien faire de plus que l’expérience d’une sorte d’auto-analyse, utilisant l’analyste comme une projection d’une partie de son soi. » 

(L’utilisation de l’objet et le mode de relation à l’objet au travers des identifications, Jeu et Réalité).

Groupe de lecture animé par Laura Dethiville

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Après avoir travaillé sur Agressivité Destructivité et Créativité, nous avons travaillé le recueil Jeu et Réalité et nous allons commencer cette année la lecture de La Nature humaine. 

Le groupe se réunit les 4ème jeudi du mois. 

Inscription auprès de 

Laura Dethiville Tél. : 01 43 36 06 96

 

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Introduction de Laura Dethiville

Merci c’est une présentation très élogieuse, il va falloir que je sois à la hauteur maintenant !

Je voudrais reprendre, comment je me suis trouvée, non pas à rencontrer, mais j’allais dire à créé-trouvé moi Winnicott. Quand nous avons fondé la SPF, la Société de Psychanalyse Freudienne, il y a 20 ans, nous avons décidé de proposer un séminaire sur l’œuvre de Winnicott. 

C’est moi qui m’y suis collée. J’ai vite été passionnée par cette œuvre et dans le même temps, certains textes me semblaient indigestes et les livres me « tombaient des mains ». C’était lourd, je ne comprenais rien !

Et ceci jusqu’au jour où j’ai acheté à Londres, à la boutique du Musée Freud, Psychoanalytic Explorations (traduit partiellement depuis dans « La crainte de l’effondrement »). Et ça a été une révélation.

Et j’ai découvert que ce qui nous rendait parfois Winnicott indigeste, et aussi qui le banalise, c’est la traduction. 

Les premières traductions en Français ont donné une image fausse de Winnicott. Cela s’est amélioré ensuite avec l’équipe de J.B. Pontalis chez Gallimard, mais le mal était fait si je puis dire. Par exemple il y a une énorme erreur de traduction mais qui change tout le sens, c’est ruthless. Ca c’est un de mes chevaux de bataille je vous le répète, ruthless, c’est le terme winicottien.

Ca a été traduit, d’abord dans la bibliothèque Payot par « cruel », ce qui est totalement faux.

Le bébé, n’est pas cruel, il est ruthless, ce qui veut dire « sans égard », sans égard pour l’autre, parce que l’autre n’est pas encore constitué comme tel. C’est ça la révolution de Winnicott. 

Il ne parle pas d’un espèce d’amour maternel, mais d’une fonction, fonction qui peut être tout autant assumée par quelqu’un d’autre que la mère. 

A la fin de sa vie, il parlera de la mère-environnement et puis de l’environnement, qui permet que l’enfant puisse être, qu’il puisse venir au monde avec ces potentialités, et, à partir de là vivre sans être empiété (j’ai été obligée de faire un anglicisme puisqu’il parle des empiètements de l’environnement).

Et donc l’enfant n’est pas cruel. D’ailleurs Winnicott qui souvent n’est pas extrêmement précis, dit ruthless quand il parle du bébé, et il emploie cruel et cruelty pour l’adulte.

La cruauté ne peut être que du côté de l’adulte. Voilà, une des choses qui nous fait découvrir Winnicott autrement.

La mère suffisamment bonne, je n’ose même plus le dire, c’est good-enough mother, et traduit par la mère « suffisamment bonne » qui donne une idée fausse de la conception de Winnicott.

Vous trouverez dans Lettres Vives la lettre qu’il a écrite à Helen Stierling après une des soirées scientifiques du Mercredi : 

« C’est vous qui employez l’expression « good experience ». Il est important pour moi que, dans mes écrits, ce soit toujours « good enough » qui apparaisse plutôt que « good ». Je pense que les mots « good enough » aident le lecteur à éviter la sentimentalité et l’idéalisation ».

Good enough en anglais, c’est juste bon, juste ce qu’il faut sans plus. Si vous êtes invités chez des gens en Angleterre, et qu’à la fin du repas vous dites « It was good enough », et bien vous ne serez certainement pas souvent réinvité, ou alors c’est que vos hôtes avaient un sens de l’humour vraiment très fin.

Alors, que veut dire Winnicott ? Il dit que la mère doit être juste adaptée, on ne lui demande pas plus, il faut qu’elle soit adéquate. C’est très difficile à traduire, je n’ai toujours pas trouvé de solution satisfaisante. Avec Miren Arambourou, qui est là, et quelques autres qui sont là également, nous sommes en train de travailler pour construire un lexique winnicottien, et justement reprendre tous ces termes qui sont passés dans l’usage courant comme des slogans : le doudou, la mère suffisamment bonne, et qui donnent une image fausse de ce que Winnicott voulait dire.

On a du mal à trouver une traduction qui soit quand même un minimum élégante de good enough. J’avais mis « passable » dans mon premier livre, mais ce n’est pas très bien perçu pour les français. Mon premier livre est beaucoup autour de la reprise de ces termes, comme par exemple le terme de besoin. Les traductions écrivent qu’il faut que l’environnement s’adapte au « besoins », or il dit need, il dit ce qui est nécessité, ce qui nous ouvre quand même tout à fait une nouvelle écoute, il ne s’agit pas du besoin, il s’agit des nécessités, il s’agit de to meet the need. Il ne s’agit pas de répondre au besoin, il s’agit d’aller au devant de ce qui est nécessité, pas plus. Juste ce qui est nécessité pour un bébé humain. 

Vous le verrez toute à l’heure avec l’intervention d’Elisabeth Mercey.

Voilà, donc d’abord, une espèce de vision bêtifiante de Winnicott, dont j’aimerais que vous sortiez. Mais ce n’est pas que de la faute des traducteurs, c’est sa faute à lui aussi.

Par exemple, reprenons le terme de « pulsion ».

Lui, il ne parle pas de pulsion, il parle de impulse, mouvement vers. Systématiquement dans les traductions françaises, on parle de mouvement pulsionnel, de pulsion. Même instinctuel ils le traduisent par pulsionnel. Et c’est tellement vrai qu’un jour dans notre groupe de lecture, et ça nous a effarés, il y a une ligne, qui n’existe pas en français, ou il dit « et je vous parle de tous ces mouvements impulse, instinct, et drive ». Donc lui même faisait vraiment la différenciation entre ces trois nuances du mot, mais en français ça a sauté, parce qu’on traduit tout par pulsionnel.

Alors il y a aussi quelque chose qui nous échappe souvent, c’est qu’il était plein d’humour cet homme-là, et dans les conférences comme ça il faisait des petits jeux de mots, des petits trucs d’humour, et cela ne passe pas nécessairement à la traduction.

Donc ça c’est un premier point, le deuxième point c’est de faire de lui seulement un pédiatre qui serait venu à la psychanalyse. Ce n’est pas vrai, d’abord il n’était pas pédiatre, parce que la spécialité de pédiatre n’existait pas à l’époque, après ses études de médecine il voulait être médecin généraliste à la campagne, et puis il se trouve qu’il a obtenu un poste au Paddington Green Hospital dans un service d’enfants, alors qu’il n’avait aucune formation pédiatrique. Et il s’est mis à recevoir des enfants. C’était un quartier pauvre, des familles pauvres, plutôt pauvres, pour des enfants qui avaient des maladies physiques. Et il le dit lui-même il a fallu l’invention, l’arrivée des antibiotiques et des sulfamides pour qu’on s’occupe du psychisme, parce qu’avant il fallait d’abord sauver la vie des petits malades. C’est après qu’il a commencé à s’apercevoir que beaucoup de ces maux, certain de ces maux de ces enfants pouvaient être interprétés sur un plan psychique et traités de cette manière-là. Mais il lui a fallu le temps.

Il le dit lui-même, c’est dans « La crainte de l’effondrement », dans un texte qui s’appelle « D.W.W par D.W.W », Donald Woods Winnicott, il dit «  quand j’ai commencé à travailler dans ces hôpitaux, je n’avais aucune idée que le bébé est une personne. Ce ne sont pas les bébés qui m’ont appris, ce sont les patients adultes psychotiques borderline qui dans des phases de régression profonde m’ont appris à regarder et écouter le bébé autrement ». 

Vous voyez, on est loin du Winnicott qu’on a l’habitude de nous montrer.

A partir de son travail avec ce type de patients, il a commencé à réaliser comment l’individu est totalement tributaire de son environnement. Le mot environnement est arrivé tard dans son œuvre. Car il y a cet aspect à considérer, le temps qui passe, l’expérience clinique, une pensée qui se fait plus précise. Il y a une grosse différence entre les textes qu’il a écrit au tout début, et les textes qu’il a écrit avant sa mort, enfin dans les années 60. 

L’autre point, par rapport à son œuvre, n’oubliez pas que le dernier livre qu’il a corrigé avant sa mort, c’est « Jeu et Réalité », c’est tout ce qui est paru après a été collationné, retravaillé, présenté, je pense au mieux, par sa deuxième femme et par un Trust (le Winnicott Trust) qu’elle avait fondé pour s’occuper de son œuvre, mais on ne sait pas du tout ce qu’il aurait choisi de publier ou de laisser tel quel. Par exemple, « Rien au centre » que je relisais en anglais, et aussi en français, à cause du travail d’aujourd’hui, est-ce qu’il serait allé jusqu’au bout ? Ce sont des notes. Vous savez, les gens ont trouvés dans son travail des tas de petites notes de ci de là, mais même aussi des fois des petits bouts de papier comme ça ou il griffonnait hâtivement deux ou trois choses, mais c’est ce qu’on a trouvé avec Ferenczi. Les dernières notes de Ferenczi, c’est du même ordre, c’est des petites choses comme ça annotées de ci de là, des idées qui vous passent par la tête, donc vous voyez il faut prendre les choses comme un work in process, c’est-à-dire quelque chose qui est en élaboration.

L’autre chose, et ça c’est important parce que la langue anglaise permet ce que la langue française ne permet pas ou peu, il utilisait beaucoup les –ing vous savez, les participes présents, et il avait cette idée, et ça c’est essentiel, que tout est toujours en mouvement pour l’être humain, qu’il s’agit toujours d’un Sujet qui est en advenir. Et pour cela il disait on peut commencer des analyses à un âge avancé, ça vaut encore la peine.

Sa grande idée était, qu’est-ce qui constitue le vivant humain ? Je signale la parution prochaine de Winnicott « notre contemporain », ouvrage collectif qui reprend les interventions des deux dernières Journées Winnicott à la SPF. Vous y trouverez une interview inédite en français de Clare Winnicott, la deuxième femme de Winnicott, où elle reprend tout cet historique.

Ce n’est pas vraiment anecdotique, c’est des choses que je dis depuis des années, mais c’est bien de l’entendre dit par Clare Winnicott, et en particulier ce rapport au bébé, et comment elle dit que ce ne sont pas les bébés qui l’ont enseigné, mais les patients adultes en phase de régression profonde.

Il va reprendre donc cette idée qui était déjà l’idée de Ferenczi de trauma premier, de trauma archi-originaires. On trouvait ça chez Ferenczi qui parlait des traumas qui étaient au lieu de l’originaire. Pour lui, tout empiètement dans ce qu’il va appeler à ce moment-là le going on being de l’enfant, va l’obliger à réagir au lieu d’être. Françoise Dolto nous a habitués à parler de l’allant de venant, si semblable au going on being. 

Savez-vous que jusqu’à présent Françoise Dolto n’était pas traduite en anglais ? Ca veut dire qu’elle n’est pas connue dans le monde anglo-saxon. Vous n’en revenez pas ? Et bien, moi non plus je n’en suis pas revenue. Elle citait parfois Winnicott, mais lui ne la citait jamais parce que je pense qu’il ne l’avait jamais lue. Ce n’était pas traduit, et peut-être qu’il n’avait pas un français assez bon pour la lire dans le texte.

Voilà donc c’était pour vous parler de l’allant de venant, c’est-à-dire que lui, il avait cette idée que c’est un mouvement perpétuel qui porte le sujet. Il dit au début il y a un être humain, qui vient au monde, avec un potentiel inné, avec une inscription dans les signifiants qui ont précédés sa venue au monde, du côté maternel comme du côté paternel, il est pris dans le fantasme de ses parents, par rapport à ce qu’il va être, et puis il y a lui, et ce qui va devenir un Je, ça va être un mélange de toutes ces choses avec lesquelles il va falloir négocier.

Je vous dis deux mots sur l’IWA (International Winnicott Association).

Donc l’IWA Internationale, a été créée au Brésil, à partir du Brésil parce que c’est eux qui ont été moteurs dans cette histoire-là. L’idée était de faire une association Winnicott qui soit au-dessus de toutes les écoles, de tous les pays, parce que vous savez nos histoires on les retrouves à l’étranger, il n’y a rien de nouveau. Et donc il y a dans cette IWA alors le Brésil puisque c’est ceux qui ont commencé, la France, le Portugal, les Anglais, bien sur, avec à l’heure actuelle le Winnicott Trust qui est en train de rejoindre l’IWA, les Belges, les Grecs, et les Chinois. Ça fait quand même un bel ensemble. Et l’idée étant d’échanger entre chercheurs des différents pays pour se retrouver sur quelque chose. Revenant donc du Brésil après la création de l’IWA internationale, j’ai voulu marquer quelque chose autour de la dynamique de travail qu’on avait déjà mis en place depuis 4 ou 5 ans au moins, parce que j’avais créé à partir de mon séminaire, qui a lieu tous les mois à la SPF, des groupes de travail, des groupes de lecture, des groupes cliniques, à Paris et en province, donc en particulier Dijon, il y en a aussi en Bretagne, et à Lyon. Et donc, nous avons créé l’IWA France, et aujourd’hui c’est le premier colloque IWA France qui a lieu à Dijon, et je vous signale, nous allons recommencer en 2017, nous les français nous accueillerons, parce qu’il y a eu un très grand colloque au Brésil en mai dernier, mais c’est nous qui allons accueillir le Colloque International de l’IWA, à Paris. 

Je pourrais continuer toute la journée mais je crois qu’il faut que je m’arrête pour laisser la parole à mes collègues.

 

20-22 novembre : congrès à Londres autour des œuvres complètes de D.W. Winnicott

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The Winnicott Trust announces a conference to be held at the Institute of Psychoanalysis and the Brunei Gallery, London 

A celebration of the collected works of D. W. Winnicott: Donald Winnicott and the history of the present Speakers include: Stefano Bolognine, Vincenzo Bonaminio, Andrea Brady, Matt Ffytche, Juliet Hopkins, Angela Joyce, Anne Karpf, Zeljko Loparic, Lynne Murray, Kenneth Robinson, Rene Roussillon, Kenneth Wright

Early bird discount available from 13 April to 30 June ~ £225. After 30 June – £ 260.

There will be 50 places available at a cost of £ 150 for psychotherapy/psychoanalytic trainees.  Or, full time students on a post graduate course in psychoanalytic studies.  Evidence of status will be required.  To book a student/trainee  place  please contact  Marjory Goodall at  marjory.goodall@iopa.org.uk  .                             

For more information click here

 

 

Programme

Donald Winnicott and the history of the present

A CELEBRATION OF THE COLLECTED WORKS 

OF D.W. WINNICOTT

November 20/21/22 2015

Reception at the Institute of Psychoanalysis on Friday evening 20th, 6.30pm-8.30pm to include book launch and demonstration of the online edition of Collected Works led by Oxford University Press personnel and

Introduction by General Editors: Lesley Caldwell & Helen Taylor Robinson

Conference proper at Brunei Gallery SOAS, Saturday & Sunday morning

Saturday morning 21 November

 8.45am:                    Registration

9.20am                     WelcomeAngela Joyce, Chair of DWW Trust

First plenary paper

9.30-11am          The self in contemporary psychoanalysis through the lens of 

                                 Winnicott’s contribution

                                 Speaker: René Roussillon

                                 Chair: Jennifer Johns 

11.00-11.30 am        Coffee  

Second plenary paper 

11.30am–1pm         The analytic relationship and the person of the analyst

Speakers: Stefano Bolognini & Vincenzo Bonaminio    

Chair: Lesley Caldwell

1-2.00pm                 Lunch served 

  Afternoon Workshops: Saturday 21 November 2015, 2:00 to 3:30

1.                     The Journey from Thoughtless Acts to Actless Thoughts:

                        Understanding and Helping Troubled Children through a

                        Residential Treatment Programme

Presenter:      Richard Rollinson

 Discussant:     Ann Horne

 2.                     A Development of the Spatula Game:

            Bringing Parent-Infant Psychotherapy to a Universal Child Health Setting

Presenter:      Jessica James

 Chair:            Angela Joyce

3.                     Winnicott and Poetic Practice

 

Presenter:      Matt Ffytche and Andrea Brady

 Chair:            Helen Taylor Robinson

 4.                     Donald Winnicott, the Public Psychoanalyst:

            Broadcasting Beyond the Consulting Room

Presenter:      Anne Karpf and Brett Kahr

 Chair:            Ruth McCall

5.                     Winnicott’s Paradigm Shift in

                        Psychoanalytic Theory and Clinical Practice

 Presenter:        Zeljko Loparic

Chair:              James Rose

  6.                    DWW and Social Work

Presenter:         Pamela Trevithick

Chair:               Mary Twyman 

 3.30-4pm        Tea

 Third Plenary Paper   

4-5.30pm

                  Introduction: Juliet Hopkins 

                         ‘There’s no such thing as a baby: how close relationships support

                        development from birth to two’

                         Speaker:   Lynne Murray

                        Chair:       Judith Trowell

 Sunday morning 22 November 

 Fourth Plenary paper

10am- 11.30am    

            DWW on Culture & the Arts   

            Ken Wright & Ken Robinson      

            Chair:  Josh Cohen 

 11.30-12 noon            Coffee

 Fifth Plenary Paper

12.00-1.00pm   

            Contemporary perspectives on the concept of regression 

            Speaker: Angela Joyce 

            Chair:     Barbie Antonis

 1-1.30pm

            Final Discussion, panel of plenary speakers and goodbye

            Chair Helen Taylor Robinson 

 

 

Organizer 

The Winnicott Trust

Discussion du texte Sur le jeu dans l’analyse

 

Laura Dethiville  (Laura) : Nous avons écouté cela avec beaucoup de plaisir. C’est extrêmement bien. Il y a des tas de questions qui peuvent se reposer.

Les gens qui ont travaillé sur le groupe « jeu et réalité » ont peut-être envie de dire des choses. On avait préparé une question par rapport à Piggle mais tu n’as pas pu lire le texte jusqu’au bout, ce n’est pas de chance.  On avait travaillé aussi sur play at dont tu parles. C’est peut-être le moment d’en parler.

Je crois que je vais être obligé de prendre la parole. On a travaillé ça jeudi soir dans un groupe de lecture de Winnicott sur Jeu et réalité et il nous semblait que cette difficulté de « Play at », j’ai regardé  dans le dictionnaire, « Play at »  c’est jouer à des jeux organisés. Nous, dans la traduction française, on a fait  la différence entre game qui est le jeu organisé et play et surtout playing. Je l’ai traduit dans mon livre par le joué (playing) mais on s’est dit au fond que j’aurai peut-être dû le traduire par le jouant.

Participant (Elisabeth) : En fait, playing  c’est un état intérieur dans lequel on se trouve lorsqu’on est en train de jouer , lorsqu’on est dans cette tonalité particulière qui permet  de jouer ; c’est à dire une disponibilité  à soi même et  une disponibilité à ce qui vient .

Laura : Et dans un espace qu’on peut qualifier de transitionnel. Ce serait plutôt l’être en train de jouer. C’est ce que dit Elsa avec l’exemple de son patient où elle dit finalement, ils étaient tous les 2 en train de jouer ; mais c’est que lui avait pu lâcher sa position de tension pour être dans cette position de détente où il ne pouvait jamais être le reste de sa vie. C’est subtil de parler du jeu dans l’analyse car il ne s’agit pas d’être à 4 pattes sur le tapis ; quoique, on peut le faire mais, avec les enfants. Alors comment on pourrait le traduire, ce playing ?

Vous, vous avez un mot pour ça, j’ai entendu.

Elsa Oliviera Dias (Elsa) et Zelgko Loparic (Zelgko) : Nous avons « brincar »

Laura : Moi, j’ai traduit par le joué, e accent aigu.

Miren Arambourou (Miren) : Cela m’a gêné dans ton livre.

Laura : Moi, j’aime bien Mais, j’aurai plus le traduire par le jouant ou l’être en train de jouer.

Souvenez-vous de Dolto, elle nous apprenait des choses comme ça : elle parlait de «allant , devenant », elle avait cette notion perpétuelle du mouvement , elle fabriquait des mots et elle cela ne l’a gêné pas du tout.

Miren : On parlait tout à l’heure de la différence entre être nourri et se nourrir … et il y a quelque chose en écho : le participe passé c’est comme si il y avait quelque chose de passif alors que essentiellement comme le dit Elisabeth, c’est cette disponibilité à ce qu’il advienne quelque chose.

Zelgko : C’est opposé à « be in a fightening  fantasy », être pris par une fantaisie c’est à dire jouer en fonction de cette soumission à une fantaisie.

Miren : C’est être joué par son propre fantasme.

Elisabeth : Il y a aussi la question qui revient dans votre texte de la concentration. Ce qui m’a fait un peu tiqué, c’est que la concentration implique un effort et cela ne me semble pas être dans l’esprit du texte. J’essaie de retrouver la phrase dans votre intervention.

Elsa : Mais vous pensez que la concentration est un effort ?

Elisabeth : En français, il y a dans la concentration la notion d’effort. Il me semble que du coup, on est un peu en décalage par rapport à la pensée de Winnicott.

Miren: C’est vrai qu’en français les instituteurs disent aux parents: «ils ne se concentrent pas ».

Laura : On pourrait traduire par rassemblement, rassemblement à soi–même. Effectivement, en français, concentration c’est trop associé à l’école.

Elsa : Nous aussi. Nous aussi mais où est ce que nous sommes lorsque nous lisons un livre ? 

Zelgko: On est concentré sur le livre.

Laura : Nous sommes dans un état de rêverie. Nous habitons  un espace.

Elsa: C’est se perdre.

Zelgko: On est pris par la lecture.

Miren: Il faut que la réalité extérieure soit stable et ne fasse pas empiètement.

Elsa: Tu ne peux pas lire si cela menace de tomber.

Participant : Lire un livre c’est quelque chose qui nous fait voyager sans qu’on bouge de notre place.

Elsa : Oui, c’est ça.

Jean-François Solal : Jouer du côté du psychanalyste. Juste un mot pour parler d’une activité qui n’est pas évidente pour le psychanalyste. Il y a des analystes qui ne savent pas jouer. Il y a des patients qui ne savent pas jouer. Il y a des analystes très déprimés. Il vaut mieux changer d’analyste à ce moment-là. L’autre activité du côté de l’analyste, beaucoup plus prestigieuse c’est interpréter. Je voulais juste faire le lien entre jouer et interpréter à propos de  Piggle. Dans la session 14, il y a une phrase très bizarre de Winnicott. Il dit « Je me suis mis à jouer avec les interprétations ». Alors, il donne des exemples de choses qu’il jette comme ça et Piggle de dire « non, pas du tout ». Il parle de jeu avec les interprétations au moment où Piggle dénie la valeur interprétative de tout cela .L’interprétation c’est quand même quelque chose qui est un peu à l’encontre du jeu car cela fixe quelque chose même si c’est dans le jeu .On fixe le sens et c’est le sens dernier ; il n’y a plus d’équivoque souvent quand l’interprétation est faite. Même si l’interprétation paraît équivoque, le patient entend quelque chose.  Il me semble que c’est intéressant de reprendre ce que Winnicott regrettait lui-même ; c’est à dire avoir fait tant d’interprétations qui ne servait à rien alors qu’il aurait pu laisser le patient jouer tout simplement. La valeur intrinsèque du jeu peut parfois suffire dans l’analyse alors même que l’interprétation vient  arrêter les choses et empêcher le jeu. C’est déjà joué. Cela peut être un bon coup ! C’est bien joué ! Le coup est parti , c’est bien joué mais c’est fini. Le playing laisse entendre que cela reste flottant. La question des interprétations flottantes est  intéressante dans la pratique de l’analyse et effectivement je pense que le jeu vient amoindrir la force et la violence de l’interprétation.

Laura : C’est pour cela que je milite contre l’interprétation mais plus pour ce que l’on peut appeler une intervention, une intervention qui se joue dans un jeu très subtil entre le vocabulaire que l’on va employer et la grammaire. Il faut tourner sept fois sa langue dans sa bouche et fabriquer une phrase qui laisse tout ouvert ; qui permette que le jeu continue ; que le patient l’intègre s’il en a envie  et sinon, il le laisse tomber mais c’est pas grave. Alors que tu dis bien effectivement que l’interprétation peut fixer.  Alors que justement, la position de l’analyste, s’il joue, c’est justement de ne pas fixer et de laisser tout ouvert.

Miren: En français, on dit bien : « laisser du jeu ».

Laura : Je pensais à ca : le jeu entre les différentes pièces d’un moteur, cela peut vous casser un moteur mais ça permet aussi cette espèce de souplesse.

Elsa: Je veux rappeler que Winnicott dit qu’il interprète pour que le patient  sache ce qu’il est en train de comprendre.

Laura: Il dit ça à la fin de sa vie.

Elsa : Non 

Laura : Si. Il dit : « J’interprète surtout pour faire comprendre au patient les limites de ma compréhension. »

Elsa : Mais, il ne se réfère pas toujours quand il utilise le mot interprétation au contenu réprimé, refoulé.

Laura : J’aime mieux le terme intervention. Quand il dit à sa patiente, dans jeu et réalité,  au chapitre 4 : « Vous auriez trop peur qu’il vienne de moi quelque chose de bon ». Ce n’est pas une interprétation à proprement parler. Il lui dit où elle est en à ce moment-là ; vous savez cette séance où elle passe deux heures à marcher, s’asseoir … ; et seulement au bout de ses 2 heures elle commence à se rendre compte que Winnicott est dans la pièce. Et là, il peut commencer, lui, à dire des choses ; il n’a rien dit pendant 2 heures. Là, cela me paraît être de  l’ordre de l’intervention ; elle en fait ce qu’elle veut mais ce n’est pas quelque chose qui va figer le mouvement. 

Participant : Il dit là où il en est.

Zelgko : Mais, il y a d’autres choses encore. Lorsqu’il dit par exemple dans la deuxième consultation à Piggle : « I am te be the only baby ; je suis le seul enfant ; I want all the toys. Je veux tous les jouets ». C’est lui qui parle. Et Piggle : « tu as déjà tous les jouets ». Et Winnicott : « Oui, mais je veux être le seul bébé ». Et Piggle : « mais je suis le bébé aussi »

Ce genre de conversation c’est une interprétation car il se met à sa place. Car, à ce moment-là,  elle veut être le seul bébé, la condition qu’elle a perdu à cause de Suzie. J’imagine qu’il s’agit d’une identification  croisée. Il se fait porte-parole de ce qu’elle veut ou de ce qu’elle ne veut pas. Mais ce n’est pas l’interprétation de ce qui est réprimé, c’est l’interprétation de ce qui ne peut pas être vécu.

Miren : Il nomme quelque chose qu’elle éprouve sans savoir l’éprouver. Donc Il crée les conditions psychiques.

Laura : C’est ce qu’on fait dans la psychanalyse d’enfant, en général.

Zelgko : C’est l’articulation du sens, pas le sens caché, réprimé mais le sens qui n’est pas articulé suffisamment. 

Laura : Est qu’il y a d’autres remarques concernant le texte d’Elsa ? C’était extrêmement riche  mais on est pris au piège du temps. On pourra continuer ce travail lorsqu’on la recevra puisqu’on a le texte.

Miren : Je voudrais poser une question sur le texte en portugais.

Est ce que« incorporaçao » en portugais cela veut dire incorporation ou intégration ?

En lisant le texte en français, le mot  incorporation  me gênait car moi,  je pensais intégration. Et chaque fois, effectivement en portuguais, on dit « incorporaçao ».

Elsa : Winnicott utilise le terme incorporation ;  il est complètement spécifique à propos de l’élaboration imaginative et de l’existence psychosomatique.  J’ai écrit un article qui a été  publié ; le titre est « incorporation et introjection » pour faire la différence.

Il dit que le bébé fait l’incorporation et non l’introjection qui pour lui est complètement mentale et un processus intellectuel. Il dit que l’incorporation  c’est l’incorporation des soins maternels. Le bébé incorpore les soins maternels. Donc, le sens de protection c’est une incorporation. 

Miren : C’est intéressant pour les psychanalystes français car nous avions une grande psychanalyste qui s’appelait Maria Torok. Elle a écrit un article « introjection et incorporation »

Elsa : Oui. Je le connais. Le sens de Winnicott est juste le contraire.

Miren : Exactement. Je suis d’accord.